Lexique norrois

De RinKaNou
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Il ne faut pas trop se focaliser sur l'apparence bien ordonnée que peut donner une série de définitions. Ainsi, le système de titres et de rangs dans la société scandinave est fort complexe, et loin d'être nettement défini. Les sources ne se privent pas d'utiliser des termes beaucoup plus vagues, par exemple ríkismenn, littéralement « hommes puissants ». En fait, il faut se garder de trop se focaliser sur les titres et les rangs : il semble parfaitement possible d'être un ríkismaðr tout en étant un bóndi, même si, bien sûr, la possession du titre de jarl suppose que l'on est un ríkismaðr.


Société

  • Ármaðr, pl. ármenn : régisseur d'un domaine royal, souvent d'origine non-libre, au moins au début – sous Óláf le Gros (début du XIe siècle) c'est encore clairement le cas. Pour cela, ils étaient méprisés et haïs par les membres de l'aristocratie, d'autant plus qu'ils disposaient d'un certain pouvoir, notamment pour ce qui est de la police et de la perception des impôts. Ils étaient, en ce sens, assez similaires aux ministériaux de l'empire germanique. Avec le temps et l'affirmation de la monarchie, leur statut s'améliora, et vers 1200 il s'agissait d'hommes libres, dont le rang approchait celui des lendir menn. Cependant, être ármaðr est dans tous les cas une fonction non héréditaire, obtenue par la faveur du roi, et les ármenn sont des agents beaucoup plus directs du pouvoir royal que ne peuvent l'être les lendir menn, quoique la Heimskringla évoque au moins un cas, sous Harald le Sévère, où il y a possibilité de rébellion des ármenn contre le roi (HHarð. ch.44).
  • Berserkr, pl. berserkir : l'étymologie est discutée, mais le mot signifie sans doute « peau d'ours », et désignerait donc la tenue de ces guerriers-fauves. Ils sont censément rendus furieux par le dieu Óðinn, et cette rage du berserkr (berserksgangr) au cours de laquelle ils hurlaient, bavaient, et mordaient leur bouclier, leur donne certaines capacités magiques, notamment une forme d'invincibilité. Ils apparaissent au début de la Heimskringla, mais semblent ensuite s'effacer avec les pratiques païennes, sans être transformés, comme ils le sont dans les sagas dites islandaises, en brutes stupides destinées à être vaincues par de jeunes héros.
  • Bóndi, pl. bœndr : le terme désigne quelqu'un qui possède sa propre ferme. Il est donc juridiquement libre, et n'est pas un ouvrier agricole employé par quelqu'un d'autre. En théorie l'óðalsbóndi (ou hauldr en Norvège) est distingué, car il possède sa terre en patrimoine (óðal), tandis que les autres peuvent être locataires, avoir reçu une terre en prêt, ou l'avoir récemment achetée (une terre devant être possédée sans interruption pendant trois générations, ou trente années, pour devenir un óðal). Cependant, cette distinction n'existait pas en Islande, et il faut noter que le terme a également une certaine universalité : il peut être utilisé pour désigner ce qui est perçu comme l'habitant moyen des régions rurales (ce qui ne signifie pas que tous soient juridiquement des bœndr, loin de là) et ne recouvre pas forcément un statut aussi bien défini. Cette observation s'applique tout à fait à la Heimskringla, qui peut utiliser le terme pour désigner un fermier irlandais, bien loin, donc, des statuts légaux scandinaves. Aussi peut-on garder à l'esprit, sans grand risque, l'idée de « fermier indépendant », « libre propriétaire », ou « franc-tenancier ».
  • Fylki, pl. fylki : il s'agit de la principale, mais non de l'unique, division administrative utilisée en Norvège, et ce dès avant son unification en un seul royaume. Le terme peut se traduire par « district ». Selon les cas, la taille de ces districts et leur subdivision ou non peut varier.
  • Gestr, pl. gestir : littéralement, « hôte ». Les gestir étaient des suivants du roi, mais étaient distingués des hirðmenn (q.v.), qui étaient d'un rang supérieur. Ils remplissaient des fonctions de police, de collecte d'impôts, et servaient plus généralement d'agents du roi. Ils n'étaient, apparemment, guère populaires.
  • Hersir, pl. hersar  : ce rang est celui de certains chefs locaux. Le mot est dérivé de herr (« foule, troupe, armée... »), aussi le hersir était-il sans doute celui qui prenait la tête des troupes locales en temps de guerre. Selon P. Foote et D.M. Wilson, « aux environs de 1200 les historiens islandais faisaient s'équivaloir le rang de hersir avec celui de lendr maðr (q.v.) [...] et les détenteurs de ce titre, qui existaient dans toutes les régions de la Norvège, semblent avoir remplacé les hersar bien avant cette époque » (The Viking Achievement, p.129). Cependant, ils apparaissent encore dans la Heimskringla sous le règne d'Óláf le Gros, au début du XIe siècle.
  • Hirð et hirðsmaðr, pl. hirðsmenn : la hirð, également désignée plus anciennement drótt, est la suite, la cour, la garde rapprochée d'un grand, notamment d'un roi. Petit à petit, le terme se restreignit et désigna la suite d'un jarl (q.v.) ou d'un souverain, cette dernière devenant particulièrement structurée. Cette restriction semble s'appliquer à la Heimskringla, encore que d'autres grands puissent disposer de clientèles assez proches, finalement, d'une hirð. Il semble que la hirð avait au départ surtout des fonctions guerrières, avant de se transformer peu à peu en cour. Le rôle principal des hirðsmenn est d'accompagner partout leur maître, lui servant à la fois de garde du corps, de garde d'honneur, et de troupe d'élite. La hirð avait ses propres officiers, dont les plus anciens et importants étaient le porte-étendard (merkismaðr) et le maréchal (stallari), qui renvoient bien à la fonction guerrière du groupe. Il ne faut cependant pas perdre de vue le rôle social de la hirð en tant que place d'honneur : dans la Heimskringla, plusieurs personnages demandent comme une faveur l'entrée dans la hirð du roi. Il est aussi un cas dans la Heimskringla où l'incorporation dans la hirð royale sert à restreindre les libertés de quelqu'un et à le garder à l'œil (HHarð. ch.49).
  • Húskarl, pl. húskarlar : littéralement, « homme de la maisonnée », ce qui peut signifier aussi bien un serviteur qu'un membre de la hirð (q.v.) d'un grand, notamment d'un roi. Avec le temps, le second sens a pris le pas sur le premier, et c'est ainsi qu'il faut l'entendre dans la Heimskringla, où il apparaît souvent dans un contexte guerrier, car les huúskarlar ont une fonction de « garde du corps » ou de « troupe d'élite » d'un grand, même si le mot désigne aussi, et peut-être surtout, un lien entre un homme et son patron, celui qu'il sert.
  • Jarl, pl. jarlar : Le titre de jarl (pluriel : jarlar) est le plus haut, en-dehors de celui de roi, aussi pourrait-on traduire le mot par « duc » ou « comte » (earl en anglais, qui en est directement dérivé), quoique la traduction norroise de dux soit non pas jarl mais hertogi. Leurs fonctions et surtout leur nombre semble mal défini. Il pouvait s'agir aussi bien du détenteur d'un titre héréditaire que d'un personnage élevé à ce rang par un roi. En Norvège, les Hlaðajarlar (jarlar de Hlaðir, aujourd'hui Lade, près de Trondheim) constituaient ainsi un puissant lignage, qui avait une forte emprise dans le nord du pays ; le jarl Hákon Sigurðarson, qui gouverna toute la Norvège d'abord en tant que vassal du roi de Danemark (971 à 975) puis indépendamment (975 à 995) était un Hlaðajarl. Snorri rapporte, dans la Heimskringla, que lorsqu'il organisa le pays nouvellement unifié, le roi Harald à la Belle Chevelure nomma un jarl dans chaque fylki, avec au moins quatre hersar sous lui. Le poème Vellekla, composé vers 990, affirme que le jarl Hákon Sigurðarson précité régnait sur le pays des seize jarlar. Cependant, par la suite, Harald le Sévère affirme que « aussi bien le roi Óláf [le Gros], mon frère, et le roi Magnús, son fils, n'ont permis pendant leur règne qu'il n'y ait qu'un seul jarl à la fois dans le pays » (HHarð. ch.48). P. Foote et D.M. Wilson évoquent également que, au titre des lois et du wergild (prix du sang) à payer en cas de meurtre, les jarlar se situaient entre les lendir menn et les rois (The Viking Achievement, p.136).
  • Lendr maðr, pl. lendir menn : littéralement, « hommes possessionnés ». En théorie, il s'agit d'un titre conféré par un roi, qui donne une terre à l'un de ces hommes, en fief en quelque sorte. En théorie toujours, il s'agissait en même temps du rang le plus élevé dans la hirð (q.v.) du roi. En fait, le contrôle des rois sur les lendir menn est très variable : à certains moments, et notamment pendant les périodes de troubles et de faiblesse de la royauté qui les a en théorie nommés, les lendir menn peuvent manifester une forte indépendance, et faire fonction de « faiseurs de rois ». Il existe également dans la Heimskringla des exemples de lendir menn qui, quoiqu'en conflit avec le roi dont ils dépendent en théorie, conservent le contrôle de leurs domaines, sans avoir aucunement besoin de l'approbation royale, tout simplement parce qu'ils possèdent une emprise personnelle sur ces domaines. Le titre n'est pas tout à fait héréditaire, mais un fils de lendr maðr dispose des privilèges du titre tant qu'il peut espérer être fait lendr maðr à part entière par le roi.
  • Lǫgsǫgumaðr : littéralement, « diseur de loi ». En Islande, il était chargé de présider l'assemblée publique (le þing) et de réciter une partie des lois à l'ouverture de chacune de ces assemblées.
  • þræll, pl. þrælar : il s'agit d'un non-libre de sexe masculin. Il y a débat pour savoir si l'on peut ou non traduire le mot par « esclave », ou s'il faut choisir un autre terme, par exemple « serf ». Leur statut est complexe. Ils pouvaient hériter des tâches les plus dures, et étaient clairement méprisés ; mais d'un autre côté, ils n'étaient pas tout à fait dépourvus de droits, et pouvaient être affranchis, après quoi ils pouvaient entrer dans la clientèle de leur ancien maître. Un homme d'origine servile pouvait devenir ármaðr ; tandis qu'une femme non-libre (ambátt) pouvait être la concubine d'un grand, même d'un roi.