Anatomie de l'espace
Note : le texte ci-dessous est un résumé composé de plusieurs extraits du célèbre traité De Siderei Rei (« Des Choses Sidérales »). La composition de ce résumé, et l'attribution de titres aux paragraphes, est le fait d'un exégète.
De l'Éther
Point de vide en le Cosmos, car en ce qui sépare les Corps qui l'habitent, tels que Planètes, Étoiles, Astéroïdes, et qu'on appelle l'Espace, se trouve l'Éther ; ce pourquoi les Anciens appellent notre univers la Galaxías Aitheros, c'est-à-dire en langue vulgaire « la Voie Éthérée ». Cette matière n'est point semblable à l'Air que l'on trouve en l'atmosphère des planètes habitables, et cependant comme lui, il permet aux créatures vivantes de ne point suffoquer, mais de vivre. De par lui, l'Espace est plus favorable à la Vie que bien des planètes dont l'atmosphère est empoisonnée par des gaz mortifères, ou rendue ardente par un Soleil trop proche. Car l'Éther est fort stable en température comme en pression, et point ne se laisse trop altérer par les Forces naturelles. Certes il est vrai qu'à la proximité d'une étoile, il sera trop chaud pour que l'on puisse survivre ; et que de même, il est certaines régions de l'Espace si éloignées de ces sources de chaleur que l'Éther y devient plus froid que la glace. Et cependant l'on peut dire, ayant bien étudié les récits des navigateurs, que neuf parts sur dix de l'Espace ne sont point dangereuses pour la vie de qui s'y aventure.
Du Climat Sidéral
En l'Éther comme en l'atmosphère d'une planète, l'on trouvera diverses perturbations, des Vents favorables ou contraires, maints Nuages grands ou petits, et des Tempêtes parfois fort périlleuses. Les Vents qui le parcourent sont du navigateur et la ressource et l'adversaire. Ils sont des plus capricieux, et nul ne peut dire sans mentir qu'il connaît le secret de leurs mouvements. Tout juste sait-on certaines régions où ils ont l'usage d'être calmes ou tempétueux, de souffler dans telle direction ou dans telle autre. Mais malheur à celui qui se fie absolument à ces vagues savoirs, ou prend pour seule et absolue vérité les dires d'un atlas cosmique, fût-il le meilleur de tous. Que la Marche des Vents soit l'œuvre de Dieux, comme certains le croient, ou qu'elle soit le fruit du Hasard ou de Forces naturelles inconnues de nous, comme d'autres l'affirment, elle est irrégulière et chaotique. Il en va de même pour les Nuages qui se font, se déplacent au gré des vents et se défont plus loin ; ce sont parfois d'innocents bancs de vapeur blanche qui décorent le ciel, parfois de terribles masses noires toutes emplies de périls mortels et de vents furieux. Le Climat du Cosmos est complexe en vérité, et la Prudence est le meilleur secours de ceux qui veulent le braver et en tirer le meilleur parti.
De la Gravitation
De même, s'y exerce également cette Force universelle et bien connue du Savant, la Gravitation. Cependant, qui a toujours vécu sur une Planète ou autre Corps massif constatera que la Gravitation fonctionne de manière bien différente dans l'Espace. Il sera accoutumé à ce qu'elle converge vers le centre de la planète, organisée qu'elle y est en un modèle sphérique, pareille au rayonnement d'un Soleil, mais en sens inverse. Dans l'Espace, les Lignes de Force de la Gravitation ne sont point convergentes, mais parallèles, et s'orientent toutes selon plusieurs Plans de Gravitation superposés et parallèles entre eux. Ainsi l'Espace est découpé en un grand nombre d'étages, à la manière d'un bâtiment ; et tout ce qui se trouve dans un de ces étages tend à être attiré par la Gravitation vers le plancher que constitue le Plan de Gravitation correspondant. C'est donc quelque peu au-dessus de la surface de ces Plans que se fait l'essentiel de la navigation spatiale.
De la Marmor Nubum
A proximité immédiate d'un Plan, et selon une proportion qui varie avec l'endroit précis du Cosmos concerné, s'assemblent toutes sortes de Particules lourdes, poussières, gaz, et débris, formant ainsi une sorte de Plage ; là se concentrent également souvent les Nuages. On a coutume d'appeler cet ensemble, Marmor Nubum, ce que l'on peut entendre en langue vulgaire par « Écume de Nimbes » ; ou, en abrégé, Marmor. C'est sur cet agglomérat plus lourd que l'Éther que naviguent le plus souvent les Vaisseaux, soutenus mais aussi ralentis par les Particules lourdes, ce qui n'est pas fort dissemblable de la manière dont un Navire flotte en Mer. Les Vaisseaux les plus légers ne peuvent qu'effleurer cette Marmor, tandis que les plus lourds, et dépourvus d'un fort système de Sustentation, peuvent s'y enfoncer bien plus. Il n'est pas souhaitable pour un Vaisseau de s'y enfoncer en totalité, car alors, il manquerait non seulement de visibilité, mais aussi d'Éther respirable ; encore serait-il fort empêché dans sa course par les Particules qui forment la Marmor Nubum, et enfin, il s'approcherait fort du Plan. On sait cependant que certains Capitaines ont l'usage de s'enfouir dans la Marmor Nubum pour se dissimuler, sachant par avance qu'ils ont la ressource d'en sortir par l'aide d'une quelconque Sustentation.
De la mécanique des Plans
Ces Plans ne sont cependant pas imperméables. Il est possible de passer de l'un à l'autre, par les mêmes façons qu'il est possible, sur une planète, d'aller à l'encontre de la Gravitation. Les ailes, les gaz légers, les fusées, peuvent permettre de vaincre l'attraction d'un Plan et de passer la limite du Plan supérieur. L'on peut également augmenter brusquement la masse du vaisseau, ou le manœuvrer de telle façon qu'il passera la limite du Plan dans lequel il se trouve et sera attiré par le Plan inférieur. Il faut pour cela forcer l'effet qu'un Plan exerce, le même qui conduit à la formation de la Marmor Nubum au-dessus et sur le Plan, et que les Navigateurs appellent le Seuil, sorte de Surface d'un Plan que l'on ne peut franchir que par force. Mais, que l'on retienne bien qu'une telle entreprise doit être considérée avec prudence. En effet, les Débris éventuellement présents dans la Marmor Nubum, et souvent cachés par la Poussière et les Nuages, peuvent endommager un vaisseau à la manière de vrais Récifs du Cosmos. Surtout, si le Vaisseau offre trop de prise à la Marmor, celle-ci s'y dépose, y pénètre, et l'alourdit ; cela est particulièrement un danger pour les Vaisseaux dont la Coque est endommagée et présente donc des Failles par lesquelles la Poussière s'infiltre dans le vaisseau. Ainsi l'on peut couler dans la Marmor comme l'on coule en Mer ; et, outre le danger d'avoir, après quelques heures, de la difficulté à respirer l'Éther rendu ici rare et tout empli de Poussière rapidement asphyxiante, existe le Danger bien plus grand d'être attiré sur le Plan de Gravitation et de ne pouvoir en réchapper. Or, que l'on considère que la Situation d'un Vaisseau présent directement sur le Plan, sans pouvoir s'en détacher ni vers le haut ni vers le bas, est telle : une partie dudit Vaisseau, qui s'enfonce plus bas que le Plan, est attirée vers le Bas par le Plan inférieur, tandis que le Plan sur lequel le Vaisseau se trouve tend à le maintenir à son niveau par son Seuil. Cette Situation, pareille à celle de cette torture appelée l'écartèlement, si elle est à peu près sans danger pour un Vaisseau en bon État qui ne la connaît que fort brièvement par l'effet du Passage d'un Plan à un autre, et s'en extirpe par la force de sa Sustentation, peut en revanche être fatale à un Vaisseau déjà endommagé, ou qui ne pourrait se soustraire au Plan.
De l'influence des Corps célestes
Il n'est pas connu pourquoi à l'entour des Corps plus massifs, tels qu'Étoiles, Planètes et Astéroïdes, la Gravitation ne fonctionne point de la même façon que dans l'Espace. Mais l'on sait que ces Corps ont une influence sur les Plans qui organisent l'Espace comme on l'a décrit. En effet, à proximité d'un de ces Corps, les Plans, qui sont normalement parallèles entre eux, convergent vers le centre du corps, comme attirés par la Gravitation propre de ce corps. Il en résulte que les Corps massifs sont comme les croisées des chemins de la navigation spatiale. Ils sont faciles à atteindre, et il y est également facile de passer d'un Plan à un autre en raison de leur proximité aux abords de ces Corps. Les Étoiles, Planètes et Astéroïdes ne sont d'ailleurs pas les seuls à altérer les Plans. Les navigateurs rapportent que, relativement souvent, les Plans, qui d'habitude sont plats, ondulent avec plus ou moins d'amplitude. Ces ondulations sont généralement accompagnées de troubles climatiques, mais l'on ne sait point quel phénomène est la cause de l'autre. Les ondulations les plus fortes et les plus brusques peuvent être fort dangereuses pour les navires et leurs équipages.