Château japonais
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L'importance des châteaux à l'époque Sengoku
Histoire du château japonais ; ses différentes formes
Le yamashiro
À ses origines, le château japonais trahit les caractéristiques de l'environnement dans lequel il s'élève, et dont l'on cherche à faire le meilleur usage : à savoir, l'abondance dans le Japon médiéval de forêts et de montagnes. Les premiers châteaux s'élevèrent donc sur les sommets, d'où leur nom de yamashiro (« château de montagne ») ; leur forme suivait les courbes du relief. De fait, c'étaient aussi des constructions qui ressemblaient peu à ce que l'on appelle généralement un « château » : ils étaient en bois, et consistaient en une palissade d'enceinte reliant entre eux divers éléments (tours, portes...), le tout organisé avant tout selon les possibilités défensives du site. Dans les cas où aucun relief ne pouvait être utilisé, on construisait un site artificiel en creusant des douves, en érigeant des buttes avec la terre ainsi extraite, puis en utilisant ces buttes comme fondations pour une palissade. Mais, autant que possible, on évitait de recourir à ce pis-aller.
La période Sengoku : agrandissement et complexification
La période Sengoku correspondit à une intensification des luttes entre daimyo et à une augmentation de l'effectif des garnisons ; des facteurs qui rendirent la simple palissade d'enceinte du yamashiro insuffisante. Le principe subsista, mais fut étendu et complexifié : au lieu de s'adapter entièrement au relief, on commença à tailler et creuser les montagnes, pour faire d'un groupe de sommets voisins un ensemble défensif d'enceintes interconnectées, en les transformant chacun en une large plate-forme. Le tout formait un réseau « en escalier », chaque plate-forme étant dominée et défendue par celle qui la surplombe. Sur ces plates-formes, l'on installait « palissades, tours, étables, entrepôts, chemins de ronde, ponts, portes, et généralement une version rudimentaire de donjon ». L'enceinte se renforce également : les palissades sont remplacées par des murs de torchis sur une structure de bois. La pierre était peu utilisée, sauf pour renforcer les bords des plates-formes. Le yamashiro se construisait essentiellement par excavation, le creusement de la montagne étant le travail le plus important. Seules les ressources accrues des daimyo de l'époque, notamment en main-d'œuvre, permettaient un tel effort.
Les réseaux de châteaux
Tout comme le grand yamashiro d'un daimyo est désormais constitué d'un réseau d'enceintes groupées, l'usage des châteaux en général suit une évolution similaire, à travers une nouvelle organisation, elle aussi permise et rendue nécessaire par le pouvoir et le territoire grandissants des daimyo (cf. supra). Désormais, le yamashiro fonctionne en réseau : autour du château principal d'un daimyo (honjô) s'organisaient un ensemble de châteaux-satellites (shijô) moins importants, mais essentiels à la surveillance d'un vaste territoire. Ces shijô eux-mêmes avaient leurs châteaux-satellites, qui souvent prenaient la forme d'un petit yamashiro au sommet d'une colline tel qu'on le faisait à ses débuts et réduit à sa plus simple expression : une palissade, les casernements de la garnison, une armurerie et une clairière servant à allumer des feux pour les signaux. Enfin, de ces satellites de satellites pouvaient dépendre des postes de garde, ainsi que des tours de guet et de signalisation. Celles-ci étaient essentielles pour relier entre eux les divers éléments du réseau de défense.
L'« effet Nagashino » : l'extension des fortifications de terre
En 1575, Oda Nobunaga défait lors de la bataille dite de Nagashino l'armée du clan Takeda, qui assiégeait le yamashiro de Nagashino. Le clan Takeda, qui possédait une puissante cavalerie, alla à la rencontre de Nobunaga venu secourir les assiégés. Ce dernier arrêta les charges des Takeda avec ses arquebusiers, à l'abri derrière un « château instantané » composé des défenses naturelles de sa position et de rangées de pieux. L'influence de Crécy ou Azincourt à la japonaise fut immédiate : on prit conscience du potentiel des armes à feu, et, pour mieux l'exploiter, on construisit de plus en plus des buttes de terre éventuellement renforcées de murs de pierre, pour fournir aux arquebusiers des plates-formes de tir. Ceci pouvait être fait en peu de temps sur le site prévu d'une bataille, et les plates-formes de terre furent utilisées avec succès par les Japonais pendant leurs luttes en Corée contre l'armée des Ming (1592-1598).
Les grands châteaux à donjon
Ces fortifications « de campagne », très simples, firent aussi leur apparition autour des châteaux. D'autre part, le même Oda Nobunaga qui, victorieux à Nagashino, avait montré l'efficacité des plates-formes de tir rudimentaires en terre, montra aussi l'intérêt de ce qui pouvait sembler l'exact opposé en matière de fortification : le donjon massif bâti sur une plate-forme de pierre. Il en donna l'exemple en 1576 avec son château d'Azuchi. Celui-ci n'était pas entièrement révolutionnaire : il utilisait, comme ses prédécesseurs, une plate-forme bâtie à partir de collines arasées et renforcée par un encadrement de murs de pierre. Mais Azuchi poussait cette technique à la perfection, ce qui permettait l'érection d'un massif donjon haut de sept étages et entouré de plusieurs « petits » donjons, chacun de la taille du donjon central d'un yamashino normal. L'exemple fut rapidement imité, par exemple au château d'Osaka, bâti par Hideyoshi en 1586 ; l'actuel palais impérial est aussi, à l'origine, une forteresse de ce type. Tout comme les enceintes périphériques de nombreuses villes européennes ont disparu, il ne reste plus guère aujourd'hui des grands châteaux de la période Sengoku que leurs donjons. Or, ces donjons, pour majestueux qu'ils soient, ne sont en fait pas l'élément essentiel : bien plus vital est le vaste réseau d'ouvrages extérieurs qui le défend, constitué de plates-formes de tir du type précité, mais désormais, de plus en plus, renforcées par des murs de pierre soutenant une massive motte de terre. Le tout ressemblait étonnament aux vastes réseaux de bastions que l'on commençait à construire à la même époque en Europe autour des villes et des citadelles. Ainsi, le donjon du château d'Osaka était situé au centre d'un périmètre défensif constitué par des murs d'une circonférence de 19km. L'attaquant ne pouvait atteindre le donjon qu'après avoir traversé et pris toute une série d'enceintes et de défenses successives.