Château japonais

De RinKaNou
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L'importance des châteaux à l'époque Sengoku

À partir de la fin de la guerre d'Ônin en 1490 s'ouvrit une nouvelle période de guerre, qui dura jusqu'en 1600, caractérisée par l'absence d'une autorité centrale forte et par les luttes incessantes entre daimyô locaux. La guerre à cette époque vit plusieurs évolutions, à propos desquelles l'on peut parler de « révolution militaire » [1] : introduction des armes à feu, augmentation de la taille des armées, et importance accrue des châteaux.

En effet, ceux-ci étaient désormais des bases d'opérations essentielles pour les daimyô ambitieux qui comptaient profiter de cette époque troublée : à partir de leurs châteaux, ils pouvaient lancer raids et invasions. Une fois tel territoire convoité conquis, les châteaux servaient aussi, inversement, à le protéger contre les menées des daimyô adverses. À l'origine, le château est donc essentiellement une caserne, une base.

Cependant, au cours de la période Sengoku et notamment lors de la seconde moitié du XVIe siècle, la construction de châteaux connaît une intensification : les châteaux sont de plus en plus nombreux et de plus en plus importants. Cela est lié, non seulement à l'augmentation en taille des armées et des territoires des daimyô, mais aussi à trois facteurs qui donnent au château japonais des caractéristiques véritablement nouvelles : l'introduction des armes à feu, qui modifie l'organisation et l'étendue des défenses (cf. infra, « L'effet Nagashino ») ; la consolidation de la puissance économique des daimyô, en parallèle avec leur puissance politique et militaire ; enfin, conséquence en quelque sorte de cette dernière évolution, la volonté de faire du château un symbole de puissance et de richesse, une démonstration des capacités d'un daimyô. L'exemple par excellence de cette évolution fut donné par Oda Nobunaga avec son château d'Azuchi (cf. infra, « Les grands châteaux à donjon »).

Des villes castrales (jôkamachi, « ville sous le château ») se développèrent également, c'est-à-dire des villes véritablement centrées sur un château, autre avatar des troubles de l'époque Sengoku. Ainsi la ville castrale du château d'Hachigata, telle que décrite vers la fin du XVIe siècle : « le château principal donnait sur une rive de la rivière, les autres côtés étant protégés par des douves et des levées de terre. Autour du château se trouvaient les demeures des samurai, des marchands, des artisans (tout spécialement ceux qui participaient à la fabrication d'armes) et des paysans. Le secteur intérieur de la ville était rempli d'auberges, de marchés et d'échoppes, tandis qu'à la périphérie étaient situés les temples et les autels. »[1]

Ainsi, les châteaux devinrent un élément essentiel non seulement dans l'art de la guerre, mais aussi dans l'existence quotidienne du Japon de la période Sengoku. Devenus un moyen offensif autant que défensif, ils en vinrent à couvrir, par réseaux (cf. infra, « Les réseaux de châteaux ») l'ensemble du territoire ou presque. Toute voie de communication un tant soit peu importante était protégée par des châteaux. Et, de fait, la prise et la défense de ces châteaux devint une discipline militaire essentielle, tant l'attaque d'un château était un événement courant lors de la période Sengoku.

Histoire du château japonais ; ses différentes formes

Le yamashiro

La reconstitution du château d'Iwakuni, dont le site est typique d'un yamashiro : sur une colline boisée, dominant la vallée en contrebas et notamment un lieu de passage (pont et bac sur la rivière).

Quelques bons exemples de yamashiro :

À ses origines, le château japonais trahit les caractéristiques de l'environnement dans lequel il s'élève, et dont l'on cherche à faire le meilleur usage : à savoir, l'abondance dans le Japon médiéval de forêts et de montagnes. Les premiers châteaux s'élevèrent donc sur les sommets, d'où leur nom de yamashiro (« château de montagne ») ; leur forme suivait les courbes du relief. De fait, c'étaient aussi des constructions qui ressemblaient peu à ce que l'on appelle généralement un « château » : ils étaient en bois, et consistaient en une palissade d'enceinte reliant entre eux divers éléments (tours, portes…), le tout organisé avant tout selon les possibilités défensives du site. Dans les cas où aucun relief ne pouvait être utilisé, on construisait un site artificiel en creusant des douves, en érigeant des buttes avec la terre ainsi extraite, puis en utilisant ces buttes comme fondations pour une palissade. Quoiqu'on évitât autant que possible de recourir à ce pis-aller, la nécessité de couvrir des territoires où aucune montagne n'était disponible fit que les hirashiro (châteaux construits en rase campagne) et les hirayamashiro (châteaux construits sur de petites collines) n'étaient pas rares, surtout lors des époques tardives. Très schématiquement, le château-type du « haut moyen-âge » japonais est un yamashiro ; à partir du XIVe siècle environ et jusque pendant la période Sengoku, le hirayamashiro devient dominant ; enfin, à la fin de la période Sengoku et lors de l'époque Edo, se multiplient les hirashiro. Certains châteaux étaient aussi construits sur des îles naturelles ou artificielles, lacustres ou maritimes. D'autres encore s'adossaient à la côte, utilisée comme défense naturelle.

Agrandissement et complexification

Cette maquette du site du château d'Aya montre les multiples plates-formes de ce yamashiro construit vers 1331-1334.

Quelques bons exemples de yamashiro tardifs :

Les premiers yamashiro avaient essentiellement pour but la défense contre des invasions extérieures ; mais vers la fin de la période Heian (794-1185), la montée de la classe des samurai et les grandes guerres internes (guerre Gempei de 1180 à 1185, guerres Nanboku-chô de 1336 à 1392) rendirent la simple palissade d'enceinte du yamashiro insuffisante, et le château commença à se renforcer et à se complexifier. La période Sengoku, qui correspondit à une intensification des luttes entre daimyô et à une augmentation de l'effectif des garnisons, représenta l'apogée de ce développement. Le principe subsista, mais fut étendu et complexifié : au lieu de s'adapter entièrement au relief, on commença à tailler et creuser les montagnes, pour faire d'un groupe de sommets voisins un ensemble défensif d'enceintes interconnectées, en les transformant chacun en une large plate-forme. Le tout formait un réseau « en escalier », chaque plate-forme étant dominée et défendue par celle qui la surplombait. Sur ces plates-formes, l'on installait « palissades, tours, étables, entrepôts, chemins de ronde, ponts, portes, et généralement une version rudimentaire de donjon » [2]. L'enceinte se renforce également : les palissades sont remplacées par des murs de torchis sur une structure de bois. La pierre était peu utilisée, sauf pour renforcer les bords des plates-formes. Le yamashiro se construisait essentiellement par excavation, le creusement de la montagne étant le travail le plus important. Seules les ressources accrues des daimyô de l'époque, notamment en main-d'œuvre, permettaient un tel effort. Néanmoins, la période Sengoku vit aussi la multiplication des hirayamashiro, les sites de collines étant plus pratiques pour établir un vaste château. C'est aussi pour compenser cette perte de hauteur que les « mottes castrales » se développèrent.

Les réseaux de châteaux

Tout comme le grand yamashiro d'un daimyô est désormais constitué d'un réseau d'enceintes groupées, l'usage des châteaux en général suit une évolution similaire, à travers une nouvelle organisation, elle aussi permise et rendue nécessaire par le pouvoir et le territoire grandissants des daimyô (cf. supra). Désormais, le yamashiro fonctionne en réseau : autour du château principal d'un daimyô (honjô) s'organisaient un ensemble de châteaux-satellites (shijô) moins importants, mais essentiels à la surveillance d'un vaste territoire. Ces shijô eux-mêmes avaient leurs châteaux-satellites, qui souvent prenaient la forme d'un petit yamashiro au sommet d'une colline tel qu'on le faisait à ses débuts et réduit à sa plus simple expression : une palissade, les casernements de la garnison, une armurerie et une clairière servant à allumer des feux pour les signaux. Ce système pyramidal multipliait donc les châteaux : dans la seule province d'Echigo, par exemple, la famille Takeda en avait 97. Enfin, de ces satellites de satellites pouvaient dépendre des postes de garde, ainsi que des tours de guet et de signalisation. Celles-ci étaient essentielles pour relier entre eux les divers éléments du réseau de défense, transmettant des messages de poste en poste par feux ou, par mauvais temps, grâce à des tambours-signaux.


Un exemple de réseau : les châteaux Hôjô, dans le Kantô

(Exemple extrait de S. Turnbull, The Samurai Warfare Sourcebook)

L'important pouvoir de la famille des Hôjô était, d'une manière caractéristique des daimyo de la période Sengoku, lié à leurs châteaux, notamment à leur honjô, le château d'Odawara (photos et description (en)).

De celui-ci dépendaient 11 shijô, à savoir les châteaux d'Edo (aujourd'hui palais de la famille impériale), de Nirayama*, d'Yamanaka, ([1]), d'Hachigata* (évoqué précédemment ; [2]), d'Hachiôji* ([3]), de Kawagoe ([4]), de Matsuyama (il ne s'agit pas du même que l'actuel château d'Iyo Matsuyama), de Tamanawa*, d'Oshi ([5]), d'Iwatsuki* ([6]), et de Kotsukue*. Une liste de 1559 nous donne les noms des commandants de chaque château ; ceux commandés par des membres de la famille (marqués d'une astérisque * dans la liste) étaient sans doute les plus importants. Chacun disposait d'une garnison (5 000 hommes au château d'Hachigata en 1590, mais aucun autre château Hôjô n'atteignait ce chiffre) et les plus importants et estimés de ces commandants agissaient aussi comme des seigneurs locaux en partie indépendants.

À son tour, le château d'Hachigata, par exemple, avait deux « sous-satellites », dont le château de Numata.

Enfin, du château de Numata lui-même dépendaient quatre « sous-sous-satellites », des corps de garde et points de rassemblement, tenus en temps de paix par des samurai « à temps partiel », mais plus considérablement en cas d'alerte. Ainsi, en 1588, le « sous-sous-satellite » de Numata, Gongenyama, avait une garnison de 256 hommes [252 selon Turnbull], à savoir 27 samurai à cheval, 6 à pied, 21 arquebusiers et 202 ashigaru. Le commandant du château devait de plus servir personellement en tant que samurai à pied et fournir sur sa fortune une troupe personnelle de 21 arquebusiers, un porte-étendard et deux lanciers. Le même château, selon un inventaire de la même date, avait dans son armurerie « 1 grand fusil à mèche, 50 petits fusils à mèche, 69 grosses balles, 1 200 charges de poudre, 1 350 balles de fusil, 1 500 flèches, 10 longues lances ». En plus de quoi son commandant fournissait personellement « 15 fusils à mèche, 1 500 charges de poudre, 1 coffre de poudre, 3 200 balles de fusil, 200 longues lances, 100 flèches, 3 arcs, 20 boulets de canon, 10 sacs de provisions ».

Voici donc un exemple de « chaîne de commandement » :

  • Quartier général : château d'Odawara, commandé par le daimyô des Hôjô
    • Satellite : château d'Hachigata, commandé par Hôjô Ujikuni
      • Sous-satellite : château de Numata, commandé par Inomata Kuninori
        • Sous-sous-satellite : château de Gongenyama, commandé par Yoshida Sadashige

L'« effet Nagashino » : l'extension des fortifications de terre

Une série de plates-formes en escalier au château de Kanazawa, typiques de celles qui apparurent après Nagashino.

En 1575, Oda Nobunaga défit lors de la bataille dite de Nagashino l'armée du clan Takeda, qui assiégeait le yamashiro de Nagashino. Le clan Takeda, qui possédait une puissante cavalerie, alla à la rencontre de Nobunaga venu secourir les assiégés. Ce dernier arrêta les charges des Takeda avec ses arquebusiers, à l'abri derrière un « château instantané » [3] composé des défenses naturelles de sa position et de rangées de pieux. L'influence de ce Crécy ou Azincourt à la japonaise fut immédiate : on prit conscience du potentiel des armes à feu, et, pour mieux l'exploiter, on construisit de plus en plus des buttes de terre éventuellement renforcées de murs de pierre, pour fournir aux arquebusiers des plates-formes de tir. Ceci pouvait être fait en peu de temps sur le site prévu d'une bataille, et les plates-formes de terre furent utilisées avec succès par les Japonais pendant leurs luttes en Corée contre l'armée des Ming (1592-1598).

Les grands châteaux à donjon

Ces fortifications « de campagne », très simples, firent aussi leur apparition autour des châteaux. D'autre part, le même Oda Nobunaga qui, victorieux à Nagashino, avait montré l'efficacité des plates-formes de tir rudimentaires en terre, montra aussi l'intérêt de ce qui pouvait sembler l'exact opposé en matière de fortification : le donjon massif bâti sur une plate-forme de pierre. Il en donna l'exemple en 1576 avec son château d'Azuchi (Wikipedia:en). Celui-ci n'était pas entièrement révolutionnaire : il utilisait, comme ses prédécesseurs, une plate-forme bâtie à partir de collines arasées et renforcée par un encadrement de murs de pierre. Mais Azuchi poussait cette technique à la perfection, ce qui permettait l'érection d'un massif donjon haut de sept étages et entouré de plusieurs « petits » donjons, chacun de la taille du donjon central d'un yamashino normal. Azuchi possédait aussi quatre enceintes concentriques. L'exemple fut rapidement imité, par exemple au château d'Ôsaka, bâti par Hideyoshi en 1586 (Wikipedia:en) ; l'actuel palais impérial est aussi, à l'origine, une forteresse de ce type, celle d'Edo, bâtie par Tokugawa Ieyasu (Wikipedia:en).

Ce plan du château d'Himeji montre tout le réseau d'enceintes et de douves qui entourait un grand château typique de la fin de la période Sengoku.

Tout comme les enceintes périphériques de nombreuses villes européennes ont disparu, il ne reste plus guère aujourd'hui des grands châteaux de la période Sengoku que leurs donjons. Or, ces donjons, pour imposants qu'ils soient, ne sont en fait pas l'élément défensif essentiel : bien plus vital est le vaste réseau d'ouvrages extérieurs qui le protège, constitué de plates-formes de tir du type précité, mais désormais, de plus en plus, renforcées par des murs de pierre soutenant une massive motte de terre. Le tout ressemblait étonnament aux vastes réseaux de bastions que l'on commençait à construire à la même époque en Europe autour des villes et des citadelles. Ainsi, le donjon du château d'Ôsaka était situé au centre d'un périmètre défensif constitué par des murs d'une circonférence de 19 kilomètres. L'attaquant ne pouvait atteindre le donjon qu'après avoir traversé et pris toute une série d'enceintes et de défenses successives. L'ensemble – donjon et réseau extensif d'enceintes – représenta la véritable rupture avec le modèle du yamashiro demeuré jusqu'ici inchangé dans ses principes.

Anatomie du château : ses éléments

Nota bene : les éléments suivants sont présentés grosso modo à la fois dans l'ordre chronologique (d'abord les éléments des premiers yamashiro, ensuite les éléments qui, comme l'explique l'histoire ci-dessus, ont modifié l'aspect des châteaux lors de la période Sengoku) et dans l'ordre spatial (c'est-à-dire plus ou moins l'ordre dans lequel un visiteur les rencontre, éléments extérieurs en premier donc).

Les douves

Ce plan du château d'Utsunomiya donne une bonne idée d'un réseau de douves (en bleu foncé) et d'enceintes (en gris) autour d'un château.

Les douves – tranchées remplies d'eau – ont deux intérêts : d'une part, leur creusement fournit de la terre pour les fondations ou les levées de terre ; d'autre part, elles forment un élément défensif important. C'était particulièrement vrai pour les châteaux construits sur terrain plat ; l'ensemble douves-levées de terre a d'abord remplacé, en cas de besoin, le potentiel défensif apporté par la montagne d'un yamashiro, puis, lors de la période Sengoku notamment, cette combinaison a largement supplanté les défenses naturelles alors que de moins en moins de châteaux étaient construits sur les sommets, trop exigus.

À cette époque, les douves fonctionnent, tout comme les enceintes qu'elles précèdent, en réseau autour du château. La levée de terre surmontée d'une palissade qui la complétait initialement est, de plus en plus, remplacée par un haut et massif mur de pierre (cf. infra, « Les enceintes de pierre et de terre ») bien plus difficile encore à escalader et à emporter pour des assaillants tout juste sortis des douves. Il existe à cette époque plusieurs types de douves : celles dont le fond est lui aussi constitué de pierres, et souvent de forme incurvée (yagenbori), celles dont le fond n'est pas couvert et plat (hakobori), enfin celles qui ne contenaient tout bonnement pas d'eau (karabori). Le principal obstacle est alors devenu le mur qui plonge directement dans les douves, et celles-ci n'ont pas besoin d'être particulièrement profondes pour présenter à l'assaillant une gêne majeure.

Les murs

Les murs à base de bois, qui lors de la période Sengoku étaient très souvent renforcés par du torchis, étaient un élément constitutif majeur du château japonais : toutes les parois étaient ainsi faites, et notamment les murs d'enceinte ou les galeries couvertes qui permettaient de relier entre elles les différentes parties d'un château.

Écorché d'un mur au château d'Odawara-jo, qui illustre sa construction à base de bambou et de torchis.

Le mode de construction d'une palissade d'enceinte nous est fourni par les ordres donnés par Hôjô Ujikuni en 1587 pour l'entretien du château d'Hachigata : « Au sommet des levées de terre, à un intervalle d'un ken, plantez de gros pieux de bois. Entre eux, placez deux hampes de bambou à l'horizontale, et placez quatre fagots de bambou au-dessus en utilisant les [quinze] petits piquets [de bois], en les attachant avec six rouleaux de corde et en les couvrant ensuite de roseau. » [4] Cette structure était ensuite complétée avec un mélange d'argile rouge et de pierre. Certains murs étaient recouverts de tuile plutôt que de roseau, et on donnait parfois au plâtre les recouvrant une finition avec une couche extérieure blanche, comme on en voit aujourd'hui sur les châteaux japonais. Cependant, ces murs n'étaient pas spécialement solides. À Hachigata, un ordre de 1563 dit de les réparer tous les cinq ans, sans compter les éventuels typhons qui pouvaient endommager ces murs.

Un mur du château d'Odawara-jo, du même type que celui de l'écorché ci-dessus. Les supports de l'ishi uchi tana sont bien visibles, ainsi que les meurtrières triangulaires.

Contrairement aux murs des châteaux européens, les murs des châteaux japonais n'avaient pas de chemin de ronde (à moins qu'il ne s'agisse d'un mur d'enceinte massif, en pierre, couvert par un yagura ; cf. infra, « Les yagura »). Par contre, on laissait les extrêmités des pièces de bois qui entraient dans leur fabrication dépasser à l'intérieur de l'enceinte ; on pouvait ensuite poser sur ces supports des planches pour constituer un ishi uchi tana (« étage pour lancer des pierres »). Malgré ce nom, c'étaient surtout les archers, et plus tard les arquebusiers, qui utilisaient cet échafaudage pour tirer par-dessus le haut du mur qui formait alors un parapet, ou à travers des meurtrières aménagées dans la paroi (tama). Celles-ci existaient en diverses formes : rectangulaire (plutôt pour les arcs), triangulaire et circulaire (plutôt pour les armes à feu). Elles pouvaient aussi servir à donner des coups de lance à des assaillants arrivés au pied du mur.

Les portes

La porte principale Est du château de Nijo ; c'est une watari yagura, et l'on peut observer les bandes de fer qui la renforcent.

Les châteaux japonais ont différentes sortes de portes, selon leur localisation : on distingue la porte principale (otemon), qui est la mieux défendue, et la porte arrière (karamete), plus petite, utilisée pour des sorties discrètes ou comme issue de secours. Il pouvait y avoir plusieurs portes principales lorsque l'enceinte était vaste, et c'était bien entendu le cas dans les châteaux comprenant plusieurs enceintes. Dans ce cas, les portes n'étaient pas alignées mais décalées l'une par rapport à l'autre, pour forcer les assaillants à perdre du temps en zig-zagant sous les tirs des défenseurs. Toutes les portes, en elles-mêmes, sont construites sur le même principe : deux battants de bois massif s'ouvrant vers l'intérieur, soutenus par une charpente constituée de grosses poutres. Ces battants sont souvent renforcés par des plaques ou des bandes de métal rivetées. Les châteaux japonais ne comprennent ni herses, ni pont-levis.

Un masugata au château de Matsumoto ; les douves en défendent l'accès, et la porte principale (au fond) est une watari yagura.

Cela ne signifie pas qu'elles soient simplistes ou vulnérables ; les architectes japonais utilisaient diverses méthodes pour renforcer la défense de ce point vital que sont les portes. Elles permettent elles aussi d'établir une typologie. Ainsi, un modèle courant de porte est le type watari yagura, ainsi nommé parce qu'un yagura (cf. infra, « Les yagura ») surplombe la porte, couvrant ainsi très efficacement ses abords. Un autre stratagème courant est le masugata, petite enceinte carrée (masu signifiant « boîte ») qui comprend deux portes, une petite porte extérieure et une porte intérieure nettement mieux fortifiée, qui donne sur l'intérieur de l'enceinte proprement dite. Tout attaquant qui réussissait à enfoncer la première porte se retrouvait alors piégé dans la « boîte », pris de tous côtés sous le tir des défenseurs. C'est un ouvrage défensif assez comparable à la barbacane européenne.

À gauche, une petite porte au château de Nihonmatsu. À droite, la porte principale de l'enceinte intérieure (honmaru) au château de Kochji.

Comme l'image ci-contre le montre, il existe encore différents styles de portes selon leur place dans l'ensemble de l'enceinte. Certaines y sont pleinement intégrées, étant de même niveau que les murs et situées sous un yagura qui couvre l'ensemble ou légèrement surélevé au niveau de la porte ; d'autres peuvent constituer de véritables éléments à part, surplombant un mur d'enceinte plus petit et disposant de leur propre yagura.

Les yagura

Un tamon yagura reliant deux sumi-yagura (dont l'un est à droite sur l'image) au château de Matsuyama.

Yagura signifie « endroit pour stocker les flèches ». En fait, les yagura étaient utilisés, non seulement pour stocker toutes sortes de ressources essentielles (flèches, armes, nourriture…) mais aussi comme tours de guet et de défense. Pour cette raison, ils sont stratégiquement placés tout au long des enceintes, notamment en haut des massifs murs de pierre, où ils sont les pas de tir des gens de trait.

Un sumi-yagura à deux étages situé à la périphérie de l'enceinte du château d'Edo, à Tokyo.

On distingue deux grands types de yagura. D'une part, les sumi-yagura ou « yagura de coin », qui comme leur nom l'indique se trouvent le plus souvent aux coins des enceintes et comportent un, deux ou trois étages ; c'est ce qui se rapproche le plus d'une tour d'enceinte dans un château japonais. D'autre part, les tamon yagura qui sont en fait de longues galleries à un seul étage couvrant le haut d'un mur, et que l'on peut assimiler à un chemin de ronde couvert.

Les musha-gaeshi

Comme expliqué ci-dessus, la construction de plates-formes par arasement de sommets et renforcement des bords par des murs de pierre est d'abord apparue pour donner au yamashiro plus d'espace. Elle permit également de bâtir des « mottes » artificielles là où aucun sommet n'existait ; lors de la période Sengoku, cette fonction prit de plus en plus d'importance, les châteaux faisant de moins en moins usage de montagnes arasées, et de plus en plus de promontoires entièrement artificiels. Comme dans le cas des mottes castrales européennes, ces élévations, quelle que soit leur nature, servaient des impératifs pratiques (aide majeure à la défense du château, meilleure vue sur l'espace environnant) mais aussi, sans doute, une symbolique sociale (la position dominante d'un point de vue topographique du château seigneural reflétant son pouvoir et son statut).

Deux donjons (le principal et un secondaire) du château d'Himeji, perchés sur leurs musha-gaeshi (noter la personne en bas, qui donne l'échelle).

Ce type de plates-formes continua d'être en usage dans les châteaux à donjon de la période Sengoku tardive (cf. supra, « Les grands châteaux à donjon ». Elles formèrent alors de larges et hautes bases de pierre (musha-gaeshi) pour les donjons. Dans un cas comme dans l'autre, les murs de soutènement, construits au moyen de gros blocs et en pierre sèche, étaient typiquement en forme de pyramide tronquée, c'est-à-dire inclinés vers l'extérieur. Cette technique de construction, qui se perfectionna de plus en plus au cours du XVIe siècle, était basée sur des calculs géométriques précis, et destinée à reporter de manière efficace le poids soutenu par la plate-forme. Elle avait aussi l'avantage, vital au Japon, de rendre la plate-forme plus résistante aux tremblements de terre ; de même, la pierre sèche, par la relative élasticité qu'elle donnait à la base, contribuait beaucoup à cela. Ces bases de pierre et de terre étaient très résistantes : si la bombe atomique « Little Boy » détruisit toutes les superstructures du château d'Hiroshima, les bases de pierre, elles, ne furent presque pas endommagées.

Deux ishi-otoshi, ressortant nettement d'un yagura du château de Matsuyama.

Par contre, l'inclinaison des murs les rendait sans doute plus faciles à escalader pour les assaillants. Pour résoudre ce problème, les bâtisseurs de châteaux construisaient en haut des murs des structures défensives qui les surplombaient en encorbellement (l'équivalent, donc, des hourds européens) avec de multiples trous dans le sol servant à bombarder d'éventuels assaillants escaladant les murs (l'équivalent de mâchicoulis). L'ensemble était nommé ishi-otoshi, ou « trous à pierres ». On utilisait en effet des flèches, de l'eau bouillante, et surtout de simples pierres, qui, dévalant la pente du mur, pouvaient semer le chaos parmi les assaillants. Au même effet, on gardait parfois en réserve de gros rondins retenus par une corde, tout prêts à être lâchés.

Les enceintes de pierre et de terre

Pont reliant l'honmaru et la ninomaru du château de Kanazawa.

Par ailleurs, lorsque, lors de la période Sengoku et notamment après Nagashino (cf. supra, « L'effet Nagashino » les châteaux japonais connurent une extension par construction de plusieurs enceintes concentriques, on utilisa des bases de pierre similaires à celles des nouveaux donjons pour renforcer et surélever les divers éléments qui, depuis longtemps, constituaient l'enceinte d'un château : palissades, yagura, portes. L'extension spatiale d'une part, le renforcement et la surélévation des structures d'autre part furent les deux grandes caractéristiques nouvelles des châteaux japonais vers la fin de la période Sengoku. Un château typique a alors trois enceintes autour de son donjon : honmaru (enceinte principale), ninomaru (seconde enceinte) et sannomaru (troisième enceinte).

L'enceinte extérieure d'un château assez atypique, celui de Shuri sur l'île d'Okinawa.

On peut comparer ces enceintes complexes à celles que l'on construisait à la même époque en Europe, dans la lignée de la « trace italienne » – celles de Vauban, par exemple. Le but n'était cependant pas ici de répondre à l'évolution de l'artillerie, mais de renforcer la capacité défensive du château face à des armées plus importantes, en tenant compte de l'arme nouvelle qu'était l'arquebuse (cf. l'article « Les armes à feu au Japon »). La prise en compte des risques sismiques est peut-être également à l'origine de l'adoption de la même technique par les Japonais comme par les Européens environ au même moment, à savoir des murs de pierre massifs combinés avec d'importantes levées de terre, les deux éléments se soutenant mutuellement. Lorsque les Chinois utilisèrent leur artillerie contre des fortifications de ce type construites par les Japonais en Corée, elle s'avèra fort peu efficace : les boulets de canon s'enfonçaient dans les levées de terre ou ne parvenaient pas à endommager des murs de pierre soutenus par d'énormes masses de terre meuble.

Le grand donjon

L'intérieur

Sources

  • Samurai : the World of the Warrior, Stephen Turnbull, Osprey Publishing, 2003.
  • The Samurai Sourcebook, Stephen Turnbull, Cassell, 2000.
  • Cassel's World History of Warfare, Holweg Herwig, Christon Archer, Timothy Travers & John Ferris, Cassel, 2002.
  • Guide to Japanese Castles, Eric Obershaw.

Notes

  1. 1,0 et 1,1 Cassel's World History of Warfare, Holweg Herwig, Christon Archer, Timothy Travers & John Ferris, p. 208.
  2. Turnbull, Samurai : the world of the warrior
  3. Turnbull, Samurai : the world of the warrior
  4. Cité dans Turnbull, The Samurai Sourcebook.